L'Etat veut construire une petite capitale au milieu de Port-au-Prince ! On en rêve déjà. Du Nord au Sud, le plan s'étend de la rue des Césars à la Rue Saint-Honoré. De l'Est à l'Ouest, la nouvelle petite capitale prend de la rue Capois jusqu'à la mer. Un arrêté présidentiel déclare déjà d'utilité publique cette partie de la ville que l'État se propose de transformer en une véritable oasis.
Haïti: Quinze jours francs ! C'est le délai accordé par l'Etat haïtien aux propriétaires dont les terres sont comprises dans l'aire déclarée d'utilité publique. Les bornes en sont au Nord, la rue des Césars; au Sud, la rue Saint-Honoré ; à l'Est, la rue Capois et à l'Ouest, le Golfe de La Gonâve.
« On ne prend jamais de telles décisions à la va-vite. En apprenant la nouvelle, j'ai contacté mon avocat qui m'a dit que l'Etat est en train de plaisanter », s'étonne Jean Reynold Julien, rencontré mardi à la DGI. Il vient s'informer des procédures de dépôt des titres. Tenant une petite propriété dans le périmètre concerné, M. Julien explique que son notaire non plus ne lui dit pas le contraire. Ces hommes de loi lui expliquent qu'aucune issue ne peut être trouvée dans cette situation où le gouvernement s'élève contre le droit à la propriété.
La Direction générale des impôts (DGI), selon M. Julien, ne montre pas non plus de sérieux dans le dossier. « En arrivant hier lundi au bureau qui s'occupe de la réception des titres de propriété, j'ai compris que même ces responsables ont été pris de court », affirme M. Julien, qui explique que la DGI n'était pas encore prête à recevoir, jusqu'à son arrivée, les propriétaires concernés.
François Sérant, responsable du service Communication à la DGI, reconnaît que l'organisme n'a pas été informé à temps. « Mais on tient le coup », se félicite le fonctionnaire, qui précise n'avoir pris connaissance du texte de l'arrêté de manière plus approfondie que par Le Nouvelliste du 9 septembre. Des dispositions ont vite été prises pour recevoir les dossiers.
M. Sérant regrette que les contribuables en question ne soient pas informés. « Nous avons déjà reçu une vingtaine de propriétaires qui veulent faire le dépôt de leurs titres. Ils ne se présentent qu'avec les titres tandis qu'il leur est fait obligation de déposer une copie du titre de propriété, de l'acte et du plan d'arpentage agrémenté d'une lettre de couverture adressée au directeur général Robert Joseph», précise-t-il.
L'expropriation, une opération chirurgicale
« Toute l'économie mondiale repose sur le droit à la propriété ; comment le gouvernement haïtien arrive-t-il à fouler aux pieds, sans gène ni nuance, ce droit protégé par les lois de la République », se demande Me Lesly Alphonse. Dès lundi matin, le notaire public indique avoir été envahi par les appels de clients haïtiens vivant dans le pays et à l'étranger qui sont troublés par l'arrêté présidentiel.
Les gens s'affolent en se questionnant sur le délai retenu par l'administration Préval/Bellerive », souligne Me Alphonse, qui dit n'entrevoir aucune harmonie entre ce qui se fait et la loi. Le juriste soutient qu'aucun acte d'expropriation ne peut s'opérer sans un projet concret. Cet acte, selon lui, doit succéder à la présentation du projet et le dédommagement des propriétaires aussi. Or, le président René Préval et le ministre des Finances Ronald Beaudin annoncent pour bientôt les études du projet qui devra y être implémenté. « La loi du 5 septembre 1979 parle des indemnités justes et préalables à la publication de l'arrêté », fait remarquer Lesly Alphonse.
La Fondation du Prince Charles s'apprête à réaliser ces études. « Il n'y a donc aucun projet précis, ce n'est qu'une vision partagée, un voeu de l'équipe gouvernementale », s'offusque le juriste, qui fait état d'un mélange de vitesse et de précipitation du côté des responsables.
« C'est comme si le gouvernement voulait faire une intervention chirurgicale avant même d'identifier la maladie », ajoute Me Alphonse. Selon lui, la loi prévoit ces atermoiements en faisant passer l'acte d'expropriation comme une opération qu'on exécute à coeur ouvert dans les droits du citoyen. Car, dit-il, les négociations peuvent être faites à l'amiable comme elles peuvent ne pas aboutir. Dans ce cas, explique le notaire, il sera constitué un jury d'évaluation qui intègrera des représentants de la justice, des techniciens du Travaux publics et le maire de la ville où se trouve le domaine en question.
Des grincements de dents
Les inquiétudes de Jean Reynold Julien sont alimentées par la volonté du gouvernement de tout faire seul et vite. « Jusqu'à cet arrêté pris le 3 septembre 2010, je pensais que j'avais le droit de jouir de mes biens », s'indigne-t-il.
Le fait que le président se dit ouvert aux initiatives privées jette un doute dans l'esprit de M. Julien. « Ont-ils [les responsables du gouvernement] le droit de ravir à une personne un bien qui fait partie de son patrimoine pour le confier à quelqu'un d'autre ?, se questionne Me Alphonse.
S'agissant du délai de 15 jours imparti aux propriétaires, Me Alphonse s'y oppose hardiment. « De telles mesures pièges ne peuvent être prises en aucun cas, dit-il. Un gouvernement a le droit d'être ambitieux quant à la grandeur de ses réalisations. Mais cela demeure sa vision personnelle. Il n'a pas à livrer les biens des citoyens à la spoliation comme c'était le cas pour l'arrêté de mars 2010 faisant de la rivière Bretelle à Corail Cesselesse un vaste bidonville. »
Entre-temps, des équipements lourds travaillent avec entrain de manière à faire place au projet du gouvernement à travers lequel ce dernier entend planter à tout prix la petite capitale de rêve au milieu du Port-au-Prince que l'on connaît.
Lima Soirélus
lsoirelus@lenouvelliste.com
http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=83582&PubDate=2010-09-14
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Wednesday, September 15, 2010
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